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Conseillé par Jean T. (Libraire)1 février 2020
Pour ses 40 ans, Paolo Cognetti est parti dans l’Himalaya avec neuf amis. Arrivés à Katmandou, ils n’ont pas suivi les alpinistes qui allaient tenter l’ascension du toit du monde. Ils ont pris la direction de "la terre du Dolpo, une région située au nord-ouest du Népal, où nous allions franchir des cols à plus de 5 000 mètres, en longeant à pied pendant près d’un mois la bordure tibétaine", avec les guides, porteurs, mulets composant leur caravane. Parmi ses amis, il y avait "l’ami le plus cher et le plus compliqué que j’avais à ce moment de ma vie", Remigio, qui est peut-être celui avec qui il a grandi dans la vallée d’Aoste (voir Les huits montagnes). Et un nouvel ami, Nicola, avec qui il va partager sa tente. Ce que raconte Cognetti, c’est ce qu’il a vécu, sa marche, parce qu’en montagne "on marche seul même quand on marche avec quelqu’un, mais j’étais heureux de partager ma solitude avec ces compagnons de route", pas celle de ses amis. L’expédition semble se faire dans un certain dénuement, très simplement. Il fait part au lecteur de ses méditations de ses pensées, de sa solitude face à la grandeur de la montagne. De sa douleur aussi, quand il souffre du mal des montagnes, "Mon estomac était un altimètre impitoyable" et que la douleur lui fait passer "à côté de tout ce que ces montagnes avaient de beau". Il rencontre le peuple qui habite ces hauteurs, des enfants, une institutrice, un moine et un chien noir, Kanjiroba, qui suivra l’expédition et dans lequel il pense voir la réincarnation de Peter Matthiessen, l’auteur de "Le léopard des neiges", le livre qui l’accompagne sur la route qu’a emprunté son auteur.
Paolo Cognetti est un amoureux de la montagne. Il n’y monte pas pour vaincre des sommets, "Depuis que j’étais allé vivre en montagne, j’avais commencé à m’intéresser plus aux vallées qu’aux sommets, et plus aux montagnards qu’aux alpinistes.". Il y monte avec ses amis, pour que l’expédition soit un grand moment de sa vie, pour la pureté et l’authenticité d’une montagne "que la ville n’aurait pas colonisée" et qui aurait "conservé son intégrité de montagne", une montagne "que ni les moussons ni les routes n’atteignent". Pour ses quarante ans et pour quitter sa jeunesse, il veut voir "le Tibet qui n’existait plus, qu’aucun de nous ne pourra plus voir".Il est de ces récits que l’on se prend à lire d’une seule traite alors qu’ils sont écrits dans une forme simple et limpide, sans aucun rebondissements spectaculaires, sans mystères imprévisibles, parce qu’ils éveillent en nous les émotions qu’ils transportent en eux, parce que leurs rêves s’accordent à nos rêves. Ils nous ravissent. "Sans jamais atteindre le sommet" est de ceux-ci.