Cache-cache bâton

Emmanuel Lepage

Futuropolis

  • Conseillé par (Libraire)
    17 mars 2023

    En 1971, alors qu'il était âgé de cinq ans, les parents d'Emmanuel Lepage ont emménagé avec six autres couples dans un habitat communautaire près de Rennes, au Gille Pesset. Le groupe avait acheté quelques années auparavant, un ancien corps de ferme et quatre hectares de terres. Tous étaient issus du scoutisme et de l'Action catholique, sensibles à l'ouverture provoquée par le concile Vatican 2, votant à gauche, vivant une spiritualité au quotidien, aspirant à une vie plus solidaire et fraternelle. Quatre ans plus tard, la famille quittait de ce lieu suite à un désaccord de son père avec le groupe.

    Cette période de la vie communautaire a profondément marqué Emmanuel Lepage. C'est trente ans plus tard qu'il se rend compte qu'il a vécu une expérience pionnière, politique et spirituelle, inspirée par le mouvement personnaliste ″La Vie Nouvelle″ qu'animait, en Bretagne, Pierre Bourges, ancien maire de Redon, actuellement âgé de 96 ans.
    Pour les enfants, c'était la vie rêvée d'une bande bénéficiant d'attention, d'écoute, de liberté, de la possibilité de jeux et de création. Pour les adultes, c'était la certitude qu'on est plus intelligents, plus forts, à plusieurs. Ces gens qui ont voulu vivre une utopie n'étaient pas de doux rêveurs, ils menaient une réflexion personnelle et collective sur la vie sociale, la politique, ils étaient engagés dans la vie citoyenne. Quand l'auteur est revenu les voir pour l'écriture de sa BD, la plupart étaient encore dans des associations ou l'action municipale.
    En rencontrant les membres du groupe, Emmanuel Lepage a voulu comprendre ce mode de vie, ces choix, ce qui explique cette longue enquête, ce volume important. Pour que le lecteur ne se perde pas dans ces nombreux personnages et événements, il a choisi la couleur pour le passé et le noir et blanc pour le présent. Il a voulu montrer ce qu’a été l’Église dans les années 1970, l’espoir et l’enthousiasme qu’a suscité l’aventure de l’abbaye de Boquen autour de son prieur, Bernard Besret. Son enquête l’a mené au hameau de la Bigotière, à Épiniac (Ille-et-Vilaine) où se vit une expérience d’habitat partagé. Il montre qu’ici et là, des gens tentent un autre mode de vie plutôt que se lamenter du délitement du monde social.
    En 1975, ses parents ont quitté le Gille Pesset. Il leur a beaucoup voulu et a cru que c’était de sa faute. Il s’est réfugié dans le dessin et qu’il est devenu auteur de BD. Maintenant qu’il est remonté dans leur passé, qu’il sait ce qu’ils ont vécu, qu’il les a compris, il est admiratif de leur parcours.
    ″ Cache-cache bâton ″ est le nom du jeu des enfants du Gille Pesset. C’est un roman graphique autobiographique profond qui témoigne que l’important est de tenter, d’essayer, au risque de l’échec, qui lui, n’est pas important.


  • Conseillé par (Libraire)
    6 décembre 2022

    Souvenirs d'enfance

    « On est de son enfance » écrit Emmanuel Lepage. A plus de 50 ans il décide de se retourner vers ces années qui l’ont créé et formé. Un socle qui l’a constitué d’autant plus important qu’il est différent de celui de la majorité des enfants de son époque. Les parents du jeune briochin s’engagent en effet dans le milieu des années soixante à cohabiter dans une communauté, un habitat partagé avec d’autres familles. C’est là, au Gille Pesset que va grandir Emmanuel, spectateur et acteur d’une tentative de vie collective dont l’auteur nous raconte, à travers des rencontres avec les familles participantes, les espoirs, les incertitudes et les échecs.

    Le dessinateur dans son récit personnel de l’apprentissage enfantin de la vie mêle ainsi au long de plus de 300 pages, l’intime et une époque où tout semble possible. Des drames familiaux cachés et tus côtoient les envies d’un autre monde, prémices d’un mai 68 que les six familles ne voient pas venir. C’est une époque qui revit sous les pinceaux magiques de l’auteur, celle d’une société balisée par une Eglise omniprésente. C’est une époque où l’on pense que tout est possible. Abolir ou réduire les inégalités, envisager autrement la société et ses classes sociales.

    Enfance, vie en commun, partage, engagement autant de thèmes qui traversent l’album. La monochromie, le sépia, le noir et banc, le gris sont les signes visibles de la difficulté de construire un rêve qui a un présupposé non-dit: l’Homme est bon. La couleur magnifique et rayonnante est surtout utilisée pour montrer les jeux, les moments de vie et de bonheur des enfants.

    On voulait « changer le monde » déclare un des participants à cette expérience. « Pour nos parents le Gille Pesset est une idée, une utopie … Mais pour moi et pour chaque enfant du groupe il est le Monde » écrit Emmanuel Lepage.