Jean T.

https://lecturesdereves.wordpress.com/

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Conseillé par (Libraire)
25 septembre 2017

Un roman pour ados sur le thème de la culpabilité

Pétula de Wilde est une jeune fille de seize ans qui se sent responsable de la mort de sa petite sœur. Elle s'est étouffée avec un bouton du pyjama qu'elle lui avait cousu. Depuis, elle développe des phobies pour se protéger de tout ce qui pourrait être dangereux : elle porte des gants pour éviter une infection, ne va pas dans les toilettes publiques, ne traverse une rue qu'en empruntant un passage piéton, se tient éloignée des étagères de livres qui pourraient l'écraser, porte un sifflet anti-viol... Parce que "vous vivez dans l’idée fausse que tout ira comme vous voulez. Vous ne voyez le danger que quand il est trop tard. Les pessimistes sont plus réalistes. Ils prennent plus de précautions". Lesquelles exaspèrent son entourage et découragent toute tentative de camaraderie ou d'amitié.
Dans son établissement scolaire, pour l'aider à"faire son deuil", elle est contrainte de fréquenter l'atelier d'art-thérapie, animé par une psychologue stagiaire, couramment appelé 'le club des tarés". Il est vrai qu'elle y retrouve une fille alcoolique et toxico très extravertie, un garçon homosexuel rejeté par sa famille, un autre qui déprime d'avoir été interdit d'assister aux funérailles de sa mère... C'est là qu'elle rencontre un élève qui vient d'intégrer son lycée, "l'homme bionique" ainsi nommé parce qu'il porte une prothèse au bras droit. Jacob est beau, doux attentionné. Pétula n'en croit pas ses yeux. En plus, il sait se servir de sa caméra vidéo pour faire un exposé décalé qui plaît aux élèves de la classe, et aussi pour en faire d'autres dans l'atelier, afin d'aider ses camarades à évoluer. Tout le monde aime Jacob, mais il cache quelque chose d'énorme, un lourd secret qui pourrait mettre un terme à l'admiration dont il est l'objet et à l'amitié des membres de l'atelier.

Avec pudeur, Susin Nielsen traite de la culpabilité qui détruit la personne, qui empêche toute relation sincère avec d'autres. Elle montre que, si on peut être victime d'un accident ou d'un drame, vouloir se protéger de tout risque rend impossible une vie personnelle et sociale épanouies. Il faut affronter ses angoisses, les démonter pour les maîtriser. Elle met en avant la camaraderie comme force pour aller de l'avant. Roman "thérapeutique" et roman d'initiation puisque Pétula et Jacob y découvrent l'amour.
L'auteur réussit à parler de ces sujets avec humour, parfois même en tournant quelques situations en dérision (l'affection démesurée pour les chats de la mère de Pétula).
Les ados cabossés sont nombreux dans la littérature jeunesse -à tel point qu'on pourrait ne plus rajouter de romans en contenant- et Pétula est un trop beau catalogue de phobies, mais beaucoup de clins d'oeil littéraires, de petites touches d'humour ou de tendresses font de ce texte est un bon roman young adult.
Pour ados à partir de 14 ans

Conseillé par (Libraire)
22 septembre 2017

Jonas est un boxeur plutôt talentueux. "Plutôt" car il ne sera pas un champion. Il gâche son talent en fumant des clopes ou des joints de cannabis, en traînant avec ses copains. Il est très clair que Jonas et sa bande ne vivent pas dans le centre-ville, mais dans une banlieue, sa langue ne laisse aucun doute là-dessus.
Le personnage est curieux, Il ne semble pas très futé alors qu'il est dynamique, ouvert, sensible. Il est dans une bande de potes qui s'ennuient, boivent pas mal, se battent beaucoup, n'évoluent pas, trompent l'ennui dans de nombreuses parties de cartes. Il suit son père sans chercher à s'émanciper, à s'éloigner. Son langage est celui d'un jeune de cité. Pourtant, il entretient une relation avec une fille qui n'est pas de son milieu, qui vit dans une belle maison, qui fréquente des jeunes bien propres sur eux. Pourtant, il est très copain avec Lahuiss qui explique pourquoi le Candide de Voltaire affirme "qu'il faut cultiver son jardin". Pourtant, on sent qu'il a un autre niveau que son copain Ixe qui, dans la bande, tient le record de fautes d'orthographe dans une courte dictée que Lahuiss a extrait de Céline. Quand il s'entraîne à boxer, ou lors d'un combat, il dissèque ce qui se passe avec une précision chirurgicale. Et quand il s'échappe de la ville avec Sucré pour aller faire un feu dans la forêt, au sommet d'une colline, on le sent vibrer à la beauté sauvage de la nature.

David Lopez utilise le langage des jeunes de banlieue. Ça donne un texte fleuri : "Putain ! crie Poto, et il ajoute que sa mère la pute le jeu vas-y avec deux tours de plus j’te faisais un coup de malade", "Je lui dis et toi mon négro. Il dit qu’il faut qu’on s’capture pour parler du daron. J’lui dis ouais, comme d’hab, et on rigole", "Mais gros la tête que tu lui as mis". Quand Jonas décrit son entraînement, son combat contre Kerbachi, les scènes de sexe avec Wanda, son texte est rigoureusement construit et précis. Son Jonas sait qu'il pourrait faire quelque chose de bien de sa vie, mais il "refuse de faire ce pour quoi il est fait", "C’est l’espoir qui me rend servile". . Il
David Lopez aime le rap et la boxe. Il habite Nemours où il situe son roman. Ce qu'il raconte est vrai, et est faux puisque c'est un roman et non pas un essai sociologique

Il faut se laisser happer par ce roman, par le superbe langage que David Lopez crée, par le tragique de la vie de Jonas et de ses copains.

Conseillé par (Libraire)
20 septembre 2017

Glaçant et inquiétant

Viviane, la narratrice est dans une forêt. Elle a fui avec d'autres rebelles qui ont arraché leurs implants pour ne plus subir ce monde technologisé et la dictature numérique. Elle est psychologue et a eu a traiter l'unique survivante d'un avion abattu par un missile inconnu. Son cerveau a "magnanimement effacé" l'explosion de même que son arrivée sur le sol, mais pas la chute de 10.000 mètres dont elle se souvient parfaitement et qui lui a fait "changer son regard sur le monde".
Le monde, c'est "1 % de super-riches [qui] possèdent 99 % de la richesse du monde". C'est un monde où l'on est toujours connecté, et toujours surveillé. C'est un monde où elle, qui est de la classe moyenne "vit dans un genre de studio sans fenêtre". Une partie de la population possède un double, une "moitié". On est dans un époque où le transhumanisme est en oeuvre pour améliorer la santé, les performances et la durée de vie des humains, ou au moins des plus riches d'entre eux. La sienne s'appelle Marie, un clone dont elle imagine qui pourrait lui servir de réserve d'organes. Marie sommeille dans un centre. Pendant des années, Viviane lui a rendu visite. Dès qu'elle a fui dans la forêt, elle l'a libérée et a essayé de la réveiller, mais les moitiés sont assez peu éducables.
Ce qui sauve Marie -car elle se sait en danger- c'est d'avoir rencontrer le "cliqueur", un homme dont le métier est de programmer les robots en leur faisant associer des représentations mentales avec des mots, des idées, des émotions. Son cliqueur était fatigué et venait la voir dans le cadre de la médecine du travail. Pas pour parler, non..; pour se reposer, pour avoir du silence. C'est lui qui l'a alarmée sur l'état de sa santé et lui a indiqué de prendre la route de la forêt sasn quoi elle allait vers une mort certaine.
C'est dans l'urgence que Viviane écrit ce journal, un témoignage au cas où "quelqu’un trouve ce cahier dans la forêt, enterré dans le bidon, peut-être avec mes ossements, je voudrais être sûre qu’avant de le détruire, ou, je ne sais pas, de dire que j’ai tout inventé, ou de le tourner en dérision, bref, je voudrais être sûre qu’il soit lu jusqu’au bout. C’est tout." Elle n'est pas certaine de pouvoir se relire, "elle a froid". On peut avoir l'impression que son texte est le premier d'un enregistrement oral tant il est ponctué de "où j'en étais ?", de digressions. Des précisions comme "Le pape François était un pape du XXIe" indiquent qu'on est dans une époque éloignée, peut-être dans une ère posthumaniste où la valeur de la personne humaine est si peu de chose qu'il y a urgence à écrire ce journal. L'auteure écrit donc un texte haché, qui semble n'avoir aucun plan, aucune ligne directrice, aucune intrigue, créant un univers absurde, dépourvu de sens. Mais ne nous trompons pas, il témoigne d'une grande maîtrise littéraire.
Quelque chose étonne, comment Marie peut-elle avoir un corps intègre alors que Viviane a subi des opérations chirurgicales ? La fin de cette dystopie nous donnera la réponse, une réponse politique, un avertissement à nous qui savons que nous sommes dans l'ére de l'anthropocène. Dans sa solitude, Viviane continuera de tenir son stylo alors qu'elle a de plus en plus froid, que la vie la quitte.

Les Presses de la Cité

Conseillé par (Libraire)
20 septembre 2017

Anne et Marco ont passé la soirée chez leurs voisins, Cynthia et Graham, en laissant leur petite Cora chez, dans la maison voisine. Ils sont passés la voir chaque demie-heure. En rentrant, après minuit, la chambre est vide, Cora a été enlevée. Abattu, le couple est désespéré et envisage le pire.
Anne et Marco forment un couple banal, sans histoire. Marco est à la tête d'une société en croissance, qui n'est cependant pas en grande forme financière. Anne fait une petite dépression post-partum et n'a pas repris son travail dans une galerie d'art contemporain. Ses parents sont immensément riches. Son beau-père le fait savoir en surprotégeant sa fille et en méprisant son gendre à qui il a prêté de l'argent pour sa société. La voisine, Cynthia, belle femme, vaguement amie avec Anne, a dragué Marco au cours de cette soirée, à moins que ce ne soit l'inverse...
Ces quelques éléments de l'histoire sont un aperçu des points que va disséquer l'inspecteur Rasbach, ce qui provoque de nombreux rebondissements imprévisibles pour le lecteur, crée quelques fausses pistes, met à jour des secrets que les protagonistes cachaient soigneusement et croyaient indécelables.
Il y a, bien sûr, un coupable de cet enlèvement, mais plusieurs responsables de ce qui est arrivé. Shari Lapena maîtrise parfaitement ce lacis de rebondissements, de suspicions, de secrets, de manipulations sans laisser fléchir le suspense.
C'est angoissant à souhait. Du grand art !

Conseillé par (Libraire)
19 septembre 2017

Cette année Amélie Nothomb nous conte l'histoire de Diane, une très belle fille dont la mère est jalouse à un tel point qu'elle l'ignore. Encore enfant, la rencontre d'un médecin qui lui parle avec franchise la décide, elle sera comme lui, médecin. Le vers de Musset qui donne le titre au livre lui fera choisir la cardiologie. Etudiante, elle tombe sous la coupe d'Olivia Aubusson, une enseignante dont elle admire la rigueur et la droiture professionnelle. Plus tard, elle découvrira qu'Olivia s'est servie d'elle, qu'elle ne pense qu'à sa carrière et qu'elle méprise sa fille, ce qui est bien pire qu'être jalouse.

Dans ce vingt-cinquième roman qui conte une grande partie de la vie de diane, on voit ce que provoque un trop-plein ou une absence d'amour, on voit aussi les mécanismes de la jalousie et du mépris, lequel est montré comme un bassesse à laquelle on ne trouve aucun excuse. A la fin, le châtiment sera terrible...

Sur le ton d'un conte, une histoire de femmes entre elles, rivales, jalouses, manipulatrices, méprisantes, violentes, cruelles...